La carte postale illustrée est née vers la fin du 19e siècle, à peu près en même temps que débutait la construction des refuges du Grand Ballon. A cette époque tous les touristes ou excursionnistes ne manquaient jamais d’envoyer à leur amis et connaissances des cartes postales, avec, la plupart du temps, juste quelques mots et une signature. Il en fut de même au Grand Ballon.
Le bureau de poste auxiliaire du Grand Ballon
Entre 1895 et 1914 des dizaines de cartes du Grand Ballon et des environs furent éditées et expédiées. Pensez donc! S’être rendu au « Sommet des Vosges », avec les difficultés de l’époque, méritait bien que l’on expédiât une carte à ses amis et connaissances. Mais tout ce courrier, il fallait le transporter au bureau de poste et l’expédier. Ce fut le travail de M. Wolff, gérant de l’hôtel. Celui-ci, obligé de faire ses courses au village de Buhl et transporter avec un âne le ravitaillement de l’hôtel, il en profitait pour descendre le courrier au bureau de poste. Par la suite l’administration postale allemande concéda à l’hôtel du Grand Ballon le statut de bureau de poste auxiliaire. Ce ne fut pas une exception, beaucoup de lieux touristiques possédaient un tel bureau. L’hôtel Altenberg, près de la Schlucht avait même son propre bureau de poste, utile aux clients de l’hôtel, mais aussi à tous les touristes qui montaient à la Schlucht, soit à pied, soit avec le tram qui fonctionna à partir de 1907 jusqu’à la guerre.
Voilà donc notre Grand Ballon muni de son bureau auxiliaire rattaché à Buhl. Par la suite le courrier partait aussi de Thann, Guebwiller, Moosch, Saint Amarin ou Linthal. Notre bon hôtelier Wolff devait être bien fier de cette promotion. Il fit réaliser des cachets spéciaux disant à peu près «Hôtel Grand Ballon, plus haut bureau auxiliaire d’Alsace Lorraine, 1424 m» Ces cachets étaient de facture privée. Nous en connaissons 3 différents, quoique ressemblants. En plus, les cartes affranchies recevaient un cachet postal, appelé timbre à date. Ce timbre était apposé au moment du dépôt de la carte, mais ne servait pas à oblitérer le timbre poste au tarif réglementaire de 5 Pfennig. Le timbre poste était oblitéré par le timbre à date du bureau où le courrier était pris en charge par l’administration. Nous connaissons également 3 timbres à date.
Les 3 cachets ronds connus
Les 3 cachets rectangulaires
Mais notre imaginatif hôtelier eut une autre idée, qui, à notre connaissance est restée unique.
A la fin du 19e siècle, il existait des postes privées dans certaines grandes villes. En Alsace on connaît des postes privées à Strasbourg entre 1886 et 1900, à Colmar entre 1896 et 1898 et à Mulhouse entre 1895 et 1900. Ces postes concédées à des particuliers émettaient leurs propres timbres. Le courrier ne pouvait circuler que dans la ville même et en aucune façon transiter par un bureau de l’administration postale pour être acheminé vers un autre bureau. Est-ce que ces postes privées ont inspiré notre hôtelier Wolff ? Nul ne le sait. Toujours est-il qu’en 1910 il décida tout seul de créer sa propre poste privée, la «Belchen Post».
Marcel Klipfel
Bibliographie : Catalogue SPAL 1872-1919; Le monde des philatélistes n° 508 juin 1996. Les illustrations proviennent de la collection personnelle de l’auteur
Toute information concernant la « Belchen Post » ou plus généralement l’histoire du Grand Ballon serait la bienvenue
Nous avons vu plus haut que Edouard Wolff devait acheminer le courrier à Buhl dont dépendait le bureau auxiliaire du Grand Ballon. Ce service n’était pas rémunéré. En 1910 il décida de changer la situation. Il émit ses propres vignettes postales pour se faire payer le transport du courrier entre l’hôtel et le bureau de poste. Les timbres, imprimés en brun sur papier jaune, ont une valeur faciale de 2 Pfennigs. On peut voir au premier plan une femme debout (Marie Wolff ) qui tient une trompette de la main droite et un chien St Bernard (celui de Wolff) de la main gauche. A l’arrière plan une autre femme debout et au fond, l’hôtel du Grand Ballon. L’administration postale allemande ne vit, bien sûr pas d’un bon oeil cette émission. La direction de Colmar se rendit au Grand Ballon pour confisquer les timbres et interdire toute nouvelle initiative de l’aubergiste. Les quelques très rares timbres oblitérés qui nous sont parvenus sont tous datés entre février et avril 1910. Le bureau auxiliaire continua à fonctionner comme auparavant jusqu’au début de la Grande Guerre.